Actualités de l'institut d'anthropologie clinique

Bernard Garaut - 18 juillet 2024

Debout sur le vent #17 – LES OISEAUX AUSSI

Les récits multiples entendus, partagés, générés, l’effet sur mon propre chaos de ce Dit tumultueux d’un autre,
la douloureuse beauté de leur langue singulière et le télescopage quasi permanent de nos imaginaires…

Le trouble éprouvé alors …quels recours !
La littérature, dans toutes ses formes et contenus, l’écriture, et surtout la poésie
le sont devenus.
D’abord sans le savoir.
Jusqu’à ce qu’alors je le décide.
Croiser dans un même élan,
les récits de vie,
les temps d’existence partagé-e-s
la poésie,
et l’élaboration avec tous les modes que m offraient tous ces éléments.
Tenter chaque fois de faire de l’inextricable, de l’incompréhensible, une façon
d’Etre ensemble. Là. Dans l’existence.

« …Humaniser la folie,

Désaliéner les lieux de soins… » claironnait  François Tosquelles !

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LES OISEAUX AUSSI

 

                                 Quelques fois, plus souvent, nous
             pourrions leur demander, quand on ne sait
             pas, qu’on croit qu’on sait, qu’on oublie de penser
             que peut être ils ont une idée,  pensée, une
             raison de parler de ce qui les habite…Juste créer
             l’espace d’une possibilité de parler,pour dire! ….
                              «Traces d’être et bâtisse d’ombre» écrit
             F. Deligny.
Pourquoi il t’en parle papi ?
         / Je ne sais pas.
Il te dit qu’il va mourir ?
           / Oui.
Qu’est ce que tu en penses ?
       / Moi je pense qu’on est mort quand c’est l’heure de
    mourir. Moi je pense qu’on est mort quand il faut mourir.
Il faut ? C’est quand l’heure?
             / Je ne sais pas, c’est quand le temps se gâte, qu’il n’y a
plus de soleil, qu’il n’y a plus de pluie, qu’il n’y a plus de vie, y
en a d’autres quand même qui revit. Alors il faut qu’il se
prépare, la vie et le soleil.
La vie c’est quoi ?
             /C’est quand on plonge dans l’eau, qu’on a de l’eau, de
l’air, quand on a un peu de soleil. La vie des oiseaux c’est quand
il fait soleil.
Et la mort c’est quoi ?
               /C’est quand ils ont mangé et quand ils se sont faits
écraser et quand on les enterre, voilà la mort des oiseaux. Nous
on a attrapé un qui est tombé du nid et on l’a soigné et on le
gardera jusqu’à ce qu’il est grand.
Être grand qu’est ce que çà veut dire ?
                /C’est qu’on mange, c’est qu’on mange… les oiseaux
c’est pareil que nous quand on monte au grenier et qu’on
tombe et qu’on y saute on se tue. Comme quand on saute du
ciel, c’est pareil, ou d’un avion. Mais avec un parachute c’est pas
pareil. C’est comme les oiseaux qui descendent en volant.
Je lui explique la formule «voler de ses propres ailes», que
quand on grandit, on se débrouille tout seul , l’oiseau sait voler
et chercher sa nourriture.
                  Tu sais l’oiseau qu’on avait quand on l’a attrapé, il
ne savait pas manger tout seul. Il fallait tout lui préparer et le
lui mettre dans le bec. On lui donnait du pain avec de la vache
qui rit. Maintenant il sait mais il est encore petit. Moi tu sais je
me suis préparé des choses pareilles que l’oiseau avec de la
vache qui rit, et c’était bon.
Ils étaient deux , conversant paisiblement.
L’un avait une dizaine d’années, l’autre quelques décennies de
plus.
Mais ensemble.
«…quand nous serons deux, nous n’aurons pas de moitié
nous serons un deux que rien ne peut diviser…»
écrit Erri De Lucca….